2011 | CHINE
Héritière d’une civilisation vieille de cinq mille ans, la Chine moderne n’a pas fini de nous surprendre. Malgré son immensité géographique et ses 1,4 milliard d’habitants, ses traditions, sa langue officielle – le mandarin – et son écriture réussissent à unifier le pays. Deuxième puissance économique mondiale, la Chine a, avec l’avènement de la grande vitesse, raccourci de façon spectaculaire les distances entre ses régions. Grâce à sa politique d’investissements, le pays dispose aujourd’hui du plus long réseau à grande vitesse du monde, très loin devant le Japon ou l’Europe. En 2021, il aura atteint 36 000 kilomètres. L’ampleur des réalisations s’accompagne d’un haut niveau d’autonomie et d’une maîtrise technologique remarquable. Sur la ligne à grande vitesse mise en service en 2011 entre Pékin et Shanghai, roulent aujourd’hui les trains les plus rapides du monde, de conception et de fabrication 100 % chinoises.
Mégalopole administrative et politique, Pékin incarne la Chine millénaire et ses traditions immuables. Mais, avec ses 21 millions d’habitants, elle cultive aussi les paradoxes. Longtemps contenue dans son centre historique, la ville s’étend toujours plus loin. Les gratte-ciel en verre signés des plus grands architectes contemporains s’élancent au milieu des constructions classiques, des parcs impériaux et des illustres vestiges de son passé, tels que la Cité interdite, la place Tian’anmen, les nombreux temples et palais. Tout le charme de la ville est concentré dans le vieux centre, en partie structuré en hutong, lacis de ruelles et de passages étroits, sur lesquels s’ouvrent des cours carrées et des maisons basses.
Les galeries d’art contemporain côtoient les opéras traditionnels, les fast-foods, les marchés populaires, les boutiques de créateurs, les bazars de bric-à-brac. Emblématique, la Grande Muraille serpente en boucles vertigineuses au sommet des crêtes, aux alentours de la ville. Tous les trains à grande vitesse pour Shanghai partent de la gare de Pékin- Sud. Inauguré en 2008, l’édifice ultramoderne, en forme de vaisseau spatial, est le plus grand des trois bâtiments ferroviaires de Pékin. Ses murs de verre offrent de belles vues sur des jardins extérieurs. À proximité s’élève le parc du Temple du ciel (Tiantan Gongyuan), une oasis de tranquillité en comparaison des flots humains qui entrent et sortent de la gare. Entouré d’une double enceinte, ce temple a servi de cadre, jusqu’en 1911, à deux grandes cérémonies annuelles aux cours desquelles l’empereur venait rendre hommage au ciel.
Jusque dans les années 2000, un déplacement en train de Pékin à Shanghai durait au moins dix heures. La plupart du temps, les voyageurs passaient la nuit dans le train, pour en changer le lendemain matin avant d’arriver à destination. Aujourd’hui, le trajet express sur la ligne à grande vitesse ne dure que quatre heures et demie ! La Chine a lancé son réseau à grande vitesse en 2004, grâce au financement du gouvernement et à l’adoption d’un plan quinquennal comprenant huit axes géographiques : quatre lignes nord-sud et quatre lignes ouest-est. La toute première ligne à grande vitesse reliant Pékin à Tianjin, longue de 118 kilomètres, a été mise en service en 2008, en même temps que l’ouverture des Jeux olympiques d’été. La totalité de la ligne Pékin-Shanghai a été inaugurée en 2011. Les trains ont d’abord été importés ou construits dans le cadre de partenariats avec des fabricants de matériel roulant étrangers – Alstom, Bombardier, Siemens, Kawasaki –, en échange d’accords de transfert de technologie, de partage d’informations et de formation d’ingénieurs sur place. Aujourd’hui, les rames Fuxing Hao sont construites à 100 % en Chine.
les avenues, les échangeurs routiers, les rivières et les terres cultivées. Premier arrêt à Tianjin, voisine géante de Pékin. Cette grande ville portuaire doit sa prospérité au fleuve Hai He qui traverse la ville pour se jeter dans la mer de Bohai. Pour une vue imprenable de la ville, il faudra s’élever dans la grande roue vertigineuse dont les piliers enjambent le Hai He. Le train poursuit sa route à travers les terres fertiles du Shandong, irriguées par le Huang He, plus connu sous le nom de fleuve Jaune, deuxième plus grand fleuve de Chine (5 460 kilomètres). Il s‘arrête à Ji’nan, capitale provinciale réputée autrefois pour ses cent sources dont on aperçoit des résurgences dans les parcs de la ville. De la fenêtre, les montagnes paraissent proches.
Le contraste entre le confort du train à grande vitesse, les paysages immuables, les campagnes reculées et les villes tentaculaires est flagrant. Au sud de Ji’nan, le Tai Shan est la montagne la plus révérée du taoïsme, et les pèlerins gravissent ses pentes par un interminable escalier. Autre étape, Qufu, ville natale de Confucius, philosophe et humaniste parmi les plus influents au monde. Traversant de vastes espaces de champs de coton, le train pénètre dans la province fertile du Jiangsu, qui doit sa prospérité au Grand Canal et au Yangzi qui irrigue les rizières et arrose la ville de Nankin. Cette ancienne capitale de la dynastie Ming entourée de majestueux remparts est une étape de choix. Ses monastères bouddhiques, ses tombeaux impériaux et ses musées rappellent son destin prodigieux. Ville universitaire réputée, Nankin s’enorgueillit aussi de posséder l’une des plus hautes tours de Chine (450 mètres), la Zifeng Tower. À hauteur de Danyang, le train file sur le plus long pont du monde (164 kilomètres) et s’arrête dans la charmante ville de Suzhou. Bordant le Grand Canal, elle a bâti sa prospérité sur le commerce de la soie. Édifiée sur un maillage de canaux, son vieux centre abrite des pagodes, des manufactures de soierie et de petites maisons protégées des nouvelles zones ultramodernes. Suzhou est réputée pour le charme de ses jardins, baignés de parcelles d’eau couvertes de nénuphars et ponctués de rochers, de pavillons et de petits ponts. Avant d’arriver à Shanghai, le train traverse Zhonzhuang, qui offre un dédale de canaux et des maisons aux toits de tuile patinés.
La plupart des nouvelles lignes à grande vitesse ont été construites
parallèlement aux voies existantes. Sur certains axes, le maillage de la
grande vitesse a été réalisé grâce à des bretelles permettant de relier les
villes qui ne disposent pas de connexion ferroviaire. Chaque province
exploite ses propres trains et gère ses centres de maintenance.
La ligne Pékin-Shanghai présente 244 viaducs comptant parmi les plus
longs du monde. 80 % du tracé est constitué de voies surélevées. Parmi ces
ponts gigantesques, le viaduc de Tianjin (113 kilomètres) relie les villes de
Langfang et Qingxian. Quant au pont entre Danyang et Kunshan (164 kilomètres),
il est le plus long du monde et enjambe notamment, sur neuf kilomètres,
le lac Yangcheng, zone d’origine du crabe chinois.
Les piles des ponts sont préfabriquées dans des usines locales et acheminées
sur place. Les ingénieurs disposent d’une machine géante, de près
de 100 mètres de long, capable d’assembler le tablier d’un viaduc en le
faisant glisser sur chaque pilier. Pas d’échafaudage ni de coffrage, et donc
un coût moindre. Ce nombre impressionnant de viaducs permet d’éviter les
inondations, la division des propriétés et le démembrement des terres
cultivées. Les gares s’intègrent parfaitement dans leur environnement.
La voie sur dalle est généralisée. Plus moderne que le ballast, cette technologie facilite la construction et nécessite beaucoup moins d’entretien. L’utilisation de dalles permet également de construire des ponts très longs, sans problème de transition entre la dalle dure et le ballast souple.
Tous les trains à grande vitesse sont exploités sous la marque China Railways High-speed (CRH). À l’origine, la Chine a fait appel à de grands constructeurs étrangers, et les premiers trains qui ont circulé en 2007 sur des lignes à grande vitesse ont été importés, ou bien livrés et assemblés localement. Appelées Hexie Hao, « harmonie », les rames adoptent un design et une technologie différents selon les partenariats avec les constructeurs. Les CRH1 ont été produits par Bombardier , les CRH2 sont dérivés du Shinkansen japonais, les CRH3 ressemblent aux Velaro conçus par Siemens, et les CRH5, au Pendolino d’Alstom qui s’incline dans les courbes. Mais l’immensité du territoire et la diversité des climats ont obligé les constructeurs à faire du sur-mesure.
En 2017, une nouvelle génération de trains à grande vitesse
a vu le jour : les Fuxing Hao « Renaissance ». Rapides, sûrs,
confortables, ils ont été entièrement conçus et fabriqués en
Chine et roulent à 350 km/h. Leur mise en service est effective
sur la ligne Pékin-Shanghai. Ces rames, robustes et économes
en énergie, permettent de réduire les coûts de
maintenance et d’exploitation. Elles sont équipées d’un système
de surveillance qui entraîne leur ralentissement automatique
en cas d’urgence. Les conducteurs de CRH sont
visibles à travers la paroi transparente qui sépare le poste de
conduite des compartiments voyageurs.
Les trains à grande vitesse font preuve d’une grande ponctualité.
Au début de l’exploitation, les prix des billets étaient
fixes quelle que soit la période de l’année : il n’existait pas de
système tarifaire variable, ni de remise. Aujourd’hui, les tarifs
peuvent varier en fonction de la basse et de la haute
saison.
→ Un CRH en gare de Pékin-Sud, 2012.
Cent cinquante guichets, trente quais, une superficie de 224 220 m2, la gare de Hongqiao, à Shanghai, située à l’ouest de la ville et achevée en 2010, est l’une des plus grandes d’Asie. Pôle d’échange intermodal, elle permet de relier l’aéroport en une minute par le métro ou à pied en quinze minutes par un long couloir direct. Elle compte quatre niveaux qui optimisent le flux ininterrompu des voyageurs et fluidifient les départs et les arrivées. L’immense hall abrite une foule compacte, attendant le signal pour accéder aux quais par des escalators. Son plafond, constitué de grandes parois vitrées, laisse passer une lumière naturelle. Shanghai contraste nettement avec Pékin. Ses allures futuristes, son atmosphère affairée sans cesse en ébullition, en font une mégalopole très dynamique.
La ville la plus peuplée de Chine – 24 millions d’habitants – a beaucoup à offrir, notamment en matière d’architecture. Influencée par de nombreuses cultures au cours de sa longue histoire, Shanghai réunit, dans un joyeux mélange, palaces Art déco, villas néo-Renaissance et néo-gothiques, habitations chinoises en bois et gratte-ciel démesurément élevés. Les deux quartiers les plus connus bordent les eaux du Huangpu Jiang. D’un côté le Bund, avenue de prestige où bat le coeur touristique. Ses somptueuses façades historiques qui abritent hôtels de luxe, restaurants gastronomiques ou boîtes de nuit branchées rappellent l’époque des concessions étrangères. Sur la rive est s’élève le centre financier de Pudong, ville nouvelle bâtie en deux décennies. Dès la tombée de la nuit, les gratte-ciel de la technopole s’illuminent de façon spectaculaire. Plus près de la gare de Hongqiao, on peut admirer la merveilleuse collection de poissons rouges ou l’éléphant d’Asie du zoo de Shanghai, ou encore acheter de la soie et des vêtements couture dans le quartier de Jingan.
La section Pékin-Tianjin longe d’interminables murs d’immeubles. Cette zone, rurale à l’origine, a profité de l’implantation de la ligne et de nouvelles gares pour se transformer en zone urbaine desservie par le train à grande vitesse. À Pékin, dont les abords s’étendent sans fin, la ligne est devenue une desserte de la mégalopole très utilisée pour se rendre en périphérie. Sa fonction régionale et urbaine facilite le déplacement de dizaines de millions de personnes habitant en banlieue et travaillant au coeur de la ville. Les trains à grande vitesse les placent désormais à moins d’une heure du centre-ville, leur faisant gagner un temps précieux sur des journées chargées. Le défi de la grande vitesse est d’effacer les distances tout en réduisant la pollution, enjeu majeur pour les mégalopoles chinoises.
→ Un CRH, avec en fond les gratte-ciel de Shanghai.
En 2004, la Chine, pays du dépassement, a inauguré le Transrapid de Shanghai, son premier train à sustentation magnétique reliant la station de métro Longyang Road à l’aéroport international de Pudong. Soit 30 kilomètres parcourus en sept minutes avec des pointes de vitesse à 430 km/h. En 2016, le Maglev Express de Changsha a été mis en service. Le Maglev (pour « magnetic levitation ») est un train qui circule sur des voies équipées d’aimants, les uns maintenant le train en sustentation à quelques centimètres du sol, les autres l’attirant vers l’avant. N’étant pas en contact avec la voie, le train supporte des rampes plus fortes et la voie nécessite moins de travaux de génie civil. Mais l’ensemble est coûteux en investissement.
Encore plus impressionnant, le projet développé par la société aérospatiale
chinoise China Aerospace Science and Industry corporation (Casic). Il s’agit de
l’Hyper Flight, un train reposant sur un coussin magnétique qui se déplace dans
un tunnel à basse pression. Il sera capable d’accélérer jusqu’à 4 000 km/h et
donc de relier l’est et l’ouest de la Chine en une heure !
À bien plus court terme, pour les Jeux olympiques d’hiver de 2020, un « train
intelligent » et autonome reliera à grande vitesse Pékin et Zhangjiakou.
TOKYO > OSAKA
TURIN > NAPLES
MADRID > SÉVILLE
COLOGNE > FRANCFORT
BARCELONE > MADRID
SÉOUL > BUSAN
PÉKIN > SHANGHAI
ANKARA > ISTANBUL
LANZHOU > URUMQI
SHANGHAI > KUNMING
TOKYO > HAKODATE
ZURICH > MILAN
PÉKIN > HONG KONG
TANGER > CASABLANCA