2018 | CHINE
2 440 kilomètres en à peine neuf heures, tel a été le pari de la ligne à grande vitesse la plus longue au monde qui relie Pékin à Hong Kong. La capitale s’est rapprochée du sud de la Chine, de Canton et de Shenzhen, symbole de l’explosion économique et technologique du pays. En 2018, le dernier tronçon entre Shenzen et Hong Kong est inauguré. Eldorado de la finance, Hong Kong, rattachée à la Chine depuis vingt-deux ans, préserve son statut de région administrative spécifique. Cette ligne nord-sud dessert ainsi l’immense conurbation du delta de la Rivière des perles. Elle a désenclavé des régions intérieures, longtemps délaissées au profit de la Chine côtière.
Profondément transformée dans les années 1980, Pékin s’est encore métamorphosée avec l’organisation des Jeux olympiques d’été en 2008. La ville s’est dotée pour l’occasion d’édifices à l’architecture futuriste, tels que le stade national olympique, surnommé le « nid d’oiseau » pour sa forme ronde entrelacée d’acier, ou le centre national aquatique, « le cube d’eau » inséré dans le paysage. Pékin est aujourd’hui si étendue que les urbanistes ont créé plusieurs périphériques autour du noyau historique pour gérer les flux de circulation. Le septième périphérique est un immense boulevard qui dessert plusieurs villes et provinces voisines et mesure 940 kilomètres, soit 300 kilomètres de diamètre s’il était parfaitement circulaire ! Des banlieues gigantesques émergent autour de la capitale.
Partout, des tours modernes remplacent les derniers vergers bordés de maisons. Les départs pour Wuhan, Canton et Shenzhen se font à partir de la gare de Pékin-Ouest, située dans le district de Fengtai. Son arche monumentale en guise de façade ouvre sur un large parvis au sud, proche de l’Étang du lotus et à quelques centaines de mètres de Maliandao, le plus grand marché au thé de Pékin. Côté nord, un autre parvis permet de rejoindre le Monument du millénaire de la Chine qui commémore cinq mille ans d’histoire. Édifié en l’an 2000, ce bâtiment circulaire surmonté d’une aiguille d’acier pointée vers le ciel symbolise la culture chinoise. Les amateurs de temples iront aussi visiter, à proximité, le Temple du nuage blanc, grand sanctuaire du taoïsme.
En 2009, la ligne Wuhan-Canton est mise en service. En 2011, Canton est relié à Shenzhen (102 kilomètres), à la frontière sud de la Chine. Avec l’ouverture des tronçons entre la capitale chinoise et Shijiazhuang, puis entre Shijiazhuang et Wuhan, l’ensemble de la ligne Pékin-Shenzhen est inauguré le 26 décembre 2012, jour anniversaire de la naissance de Mao Zedong, fondateur de la République populaire de Chine. Depuis septembre 2018, le prolongement de la ligne jusqu’à Hong Kong est en service. En vingt minutes, les voyageurs peuvent se rendre de Shenzhen à Kowloon West, la nouvelle gare de Hong Kong. Cet axe très attendu divise presque par trois le temps de trajet entre Pékin et Hong Kong – neuf heures au lieu de vingt-quatre grâce à une vitesse moyenne de 275 km/h !
Au départ de Pékin, la ligne s’oriente plein sud. Premier arrêt, Shijiazhuang, capitale du Hebei. Une halte intéressante pour se rendre à Zhengding, ville historique fortifiée dominée par quatre pagodes, et qui possède également un temple vieux de mille deux cents ans. De Zhengzhou, capitale du Henan bâtie au bord du fleuve Jaune, on peut aller visiter le célèbre monastère Shaolin, fondé au Ve siècle. Le kung-fu y a été inventé et un centre international d’entraînement forme des maîtres du monde entier. Outre un vaste temple, le site abrite une forêt de stupas, grand ensemble de plus de deux cents monuments funéraires en brique abritant les cendres de moines défunts. De Zhenghzou, une autre ligne à grande vitesse part vers X’ian, cité au fabuleux héritage historique.
C’est ici que l’on peut admirer l’extraordinaire armée de soldats de terre cuite grandeur nature, dont chaque
visage offre sa singularité. Découvert fortuitement en 1974, ce chef-d’oeuvre figurant l’armée du premier empereur de Chine, Qin, est daté du IIIe siècle avant J.-C.
À mi-chemin de la ligne, le train s’arrête à Wuhan, capitale de la province du Hubei, l’un des plus grands centres économiques du pays. On ne distingue au premier abord qu’un
enchevêtrement de gratte-ciel et de ponts autoroutiers. Pourtant, parmi les traces anciennes de son passé historique, s’y trouve la Tour de la grue jaune, un oiseau très représenté
dans les légendes et les peintures chinoises, symbole de longévité et de sagesse. Cette pagode de quatre étages perchée sur la Colline du serpent est une ancienne tour de guet,
reconstruite à plusieurs reprises. Elle tire son nom d’un poème rédigé sous la dynastie Tang au VIIIe siècle et transmis de génération en génération.
Le train file maintenant dans le Hunan, vaste grenier alimentaire tapissé de rizières. Changsha cultive la mémoire de Mao Zedong, en abritant notamment l’université où l’ancien
Président a fait ses études. Au coeur de la ville, sur la rivière Xiang, Orange Island accueille une sculpture géante du buste du jeune Mao. Puis le train laisse sur sa droite les versants
sacrés de Heng Shan, lieu saint du taoïsme, dont le paysage luxuriant abrite des temples vieux de plus de mille trois cents ans. La ligne achève son parcours dans la province du
Guangdong, l’une des plus dynamiques du pays grâce à Canton. Située sur la rive nord du delta de la Rivière des perles (Zhu Jiang), l’immense métropole cosmopolite est une ville
conviviale et commerciale, réputée pour ses temples, son marché, sa cuisine et sa gigantesque foire internationale. Les Jeux asiatiques qui s’y sont déroulés en 2010 ont renforcé
son offre de transport. À ne pas rater, la silhouette futuriste de son opéra, signé Zaha Hadid. De la gare de Canton, le train s’enfonce dans un tunnel sous-marin pour traverser
l’estuaire de la Rivière des perles et rejoindre Shenzen puis Hong Kong en dix-huit minutes.
→ Le hall de la gare de Pékin-Ouest.
Les 2 300 kilomètres qui séparent Pékin de Canton ont été construits en sept ans, tronçon par tronçon, avec presque 90 % d’ouvrages d’art – ponts et tunnels. Parmi ceux-ci, le magnifique pont qui enjambe le fleuve Yangzi au nord-est de Wuhan. Long de 4 657 mètres, il accepte aussi bien les voitures que les trains qui filent à 250 km/h. Sous l’estuaire de la Rivière des perles, le tunnel sous-marin de Shiziyang (10 kilomètres) relie Canton à Shenzhen. Belle performance, les trains peuvent y circuler à 300 km/h.
Le réseau à grande vitesse chinois s’étend sur 31 provinces – le pays en compte 34 (incluant provinces, villes et régions autonomes) – et couvre actuellement les deux tiers de l’ensemble des lignes à grande vitesse en service dans le monde. En 2021, 36 000 kilomètres desserviront 80 % des métropoles du pays. La Chine a été le premier pays à mettre en service des trains atteignant une vitesse commerciale de 350 km/h. Elle dispose d’environ trois mille rames à grande vitesse (CHR), soit plus de la moitié de la flotte mondiale.
Les gares chinoises ont généralement des dimensions compa rables à celles des aéroports, et sont conçues avec les mêmes normes de sécurité : passage des bagages aux rayons X et des voyageurs sous un portique détecteur de métaux, salles d’embarquement, contrôles de sécurité. On ne rentre dans les gares qu’après avoir montré ses papiers d’identité. Pour des raisons de sûreté et de logistique, il n’y a pas d’accès direct aux quais, qui restent ainsi libres de toute circulation. Les voyageurs les rejoignent seulement quelques minutes avant l’arrivée du train pour embarquer. Ces gares, relativement calmes en temps normal, sont bondées lors des fêtes incontournables comme le Nouvel an chinois. Dans certaines salles d’attente, des agents veillent à ce que les voyageurs restent assis afin de libérer les allées.
Les agents – principalement des femmes – sont en uniforme, tailleur stricts bleu et blanc ou rouge et blanc. Ils s’alignent le long de la rame pour accueillir les voyageurs. Afin de faciliter les déplacements à bord, les voitures communiquent entre elles. Sont mis à la disposition des voyageurs une excellente connexion internet, un wagon-restaurant au milieu du train et un service ambulant proposant boissons, fruits ou snacks. Des distributeurs d’eau chaude gratuite sont placés aux extrémités de chaque voiture. Les personnes à mobilité réduite bénéficient de nombreux aménagements. Les CRH proposent quatre catégories de service : une première et une deuxième classe, une classe supérieure – sur certains trains à grande vitesse – et une classe affaires. Cette dernière offre un service de qualité et propose trois sièges par rang au lieu de quatre, orientés dans le sens de la marche et entièrement inclinables.
→ Un CRH en gare de Hong Kong-West Kowloon.
Après sa transformation en « zone économique spéciale » en 1980 qui lui a
fait bénéficier d’un régime juridique attractif pour les investisseurs étrangers,
Shenzhen, modeste bourgade à l’origine, est devenue l’une des villes
les plus prospères de Chine. Ses gratte-ciel aux formes étonnantes se profilent
sur fond de mer, et ses rives accueillent un grand port ainsi que des
plages très fréquentées en été. La ville est connue pour ses parcs à thème :
Splendid China reproduit en miniature tous les grands monuments de l’histoire
de la Chine, tels que la Grande Muraille ou l’armée des soldats en terre
cuite de l’empereur Qin ; Window on the World présente des versions miniatures
– mais de taille conséquente – des grands sites du monde entier : la
tour Eiffel, le Palais de Birmingham, le Machu Picchu ou le Taj Mahal.
Les CRH entrent en gare de Shenzhen-Nord puis rejoignent la gare de
Futian, au sud de Shenzhen. Mise en service en 2015, cette gare souterraine
à trois niveaux possède des dimensions impressionnantes.
Depuis septembre 2018, le train à grande vitesse relie Shenzhen à la gare de West Kowloon, complexe ultramoderne de cinq étages, d’où l’on peut admirer le coucher de soleil sur la baie de Victoria Harbour. Le contrôle des entrées et des sorties entre la Chine continentale et Hong Kong s’effectue dans cette gare. Ville futuriste par excellence, Hong Kong s’est forgé une identité singulière. Deux langues officielles – le chinois et l’anglais – ainsi que des systèmes politiques, juridiques et administratifs propres confirment la formule : « Un pays, deux systèmes. » L’île de Hong Kong, très montagneuse, abrite au nord les gratte-ciel étincelants du quartier financier, qui se reflètent dans les eaux de Victoria Harbour. Un funiculaire s’élance à l’assaut du Peak Victoria, offrant un panorama époustouflant sur les îles et les sommets des gratte-ciel. De l’autre côté de la baie, Kowloon est traversée par Nathan Road, une artère commerçante animée et illuminée la nuit par des néons géants. On y trouve les deux plus grands musées d’art et d’histoire de la ville, ainsi que des marchés aux fleurs et aux oiseaux très réputés. Autour de l’île de Hong Kong et de Kowloon, deux cent soixante îles font partie des nouveaux territoires qui composent 80 % de la ville.
Les importants investissements consentis par l’État chinois pour le développement
du réseau ferré permettent aux industriels de détenir un carnet de
commandes pour plusieurs années. Grâce à la taille de leur marché intérieur
et à une main-d’oeuvre nombreuse et qualifiée, les entreprises, pour la plupart
publiques, ont développé des technologies innovantes.
Ces atouts leur permettent d’exporter leur savoir-faire en Afrique ac tuellement
et progressivement en Asie du sud-est, en Europe et dans le reste
du monde.
Rapidité, sécurité, confort : depuis son lancement, le train à grande vitesse est très populaire. Cette ligne nordsud a réduit de façon impressionnante le temps de trajet entre Pékin et Hong Kong et transformé la vie économique en facilitant les déplacements sur une très longue distance. Hong Kong n’est plus une île isolée, même si elle conserve jalousement son particularisme. Concurrencées aujourd’hui par les trains à grande vitesse, les compagnies aériennes proposent de nouveaux tarifs préférentiels. Les villes situées sur cet axe ferroviaire ont attiré de nouveaux investisseurs et des entreprises, installées ailleurs avant la construction de la ligne. Wuhan, au coeur du réseau à grande vitesse, poursuit son expansion. Siège de nombreuses entreprises, elle est une plaque tournante de l’industrie automobile.
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