1992 | Italie
Partir pour Milan, Florence, Rome ou Naples… c’est voyager au coeur du berceau de la culture occidentale, aller à la rencontre d’un patrimoine d’une richesse infinie. C’est aussi partager de grands moments de convivialité ou goûter au charme du bel canto. Ces destinations de rêve sont reliées depuis 2009 par une ligne à grande vitesse nord-sud, de Turin à Naples. Un exploit ferroviaire compte tenu du relief tourmenté de la péninsule. Avec une première section Rome-Florence mise en service en 1992, l’Italie a été l’un des premiers pays européens à se lancer dans la grande vitesse. Le premier d’Europe aussi à avoir ouvert ses lignes à la concurrence. Et c’est un succès. Grâce à l’offre proposée par deux compagnies, Trenitalia et NTV (Nuovo Trasporto Viaggiatori), les Italiens prennent les trains à grande vitesse Frecciarossa ou .Italo, comme d’autres le métro, à des prix très attractifs. Ils peuvent aujourd’hui prolonger leur voyage vers Venise et Trieste à l’est, Gênes à l’ouest, et Bari et Salerne au sud.
Située au nord-ouest de l’Italie, la capitale piémontaise est connue pour avoir été la ville de l’automobile avant la désindustrialisation des années 1980. L’organisation des Jeux olympiques d’hiver de 2006 lui a donné un nouveau souffle, et son agglomération s’est transformée. La voie ferrée, qui traversait la ville sur 13 kilomètres, a été entièrement recouverte par un boulevard urbain, la Spina centrale, réconciliant des quartiers jusque-là séparés. C’est sur cette artère que s’est implantée, en 2013, l’étonnante gare de Porta-Susa. Traversée par les trains à grande vitesse qui font la navette nord-sud, elle accueille aussi des TGV en provenance de Paris.
Conçu par les cabinets d’architectes AREP – filiale de la SNCF – et Silvio d’Ascia, le style de cette gare très contemporaine s’inspire des grandes galeries urbaines des villes italiennes du XIXe siècle. Sa verrière ronde, toute en arches, a la forme d’une chenille. Ce tunnel de verre s’étire sur 380 mètres, soit la longueur de deux rames à grande vitesse. Au rez-de-chaussée, la gare intègre services, commerces et restauration, tandis que le trafic ferroviaire, connecté au métro, s’organise dix mètres plus bas. À deux kilomètres à l’est de Porta-Susa se trouve la gare historique de Turin Porta-Nuova. Rénovée à plusieurs reprises, elle n’a conservé de son architecture d’origine qu’une façade imposante. C’est une gare terminus pour les trains à grande vitesse en provenance de Milan, Rome et Naples.
C’est en 1968 que l’aventure de la grande vitesse commence en Italie, avec
la décision de construire une nouvelle ligne autorisant une vitesse de
250 km/h : la Diretissima Florence-Rome. La ligne classique, point de passage
obligé des trains voyageurs régionaux, longue distance et fret, était
en effet complètement saturée. La Diretissima est donc construite sur un
nouveau tracé, plus court et moins sinueux, se jouant du relief formé par la
chaîne des Apennins qui court le long de la péninsule. Une grande partie
de cette ligne, longue de 138 kilomètres, est inaugurée en 1978, mais
homologuée définitivement pour la grande vitesse en 1992.
Les chemins de fer italiens, Ferrovie dello Stato (FS), poursuivent leur élan
au début des années 2000, avec trois grandes étapes : les sections Rome-
Naples en 2005, Milan-Bologne en 2008 et Bologne-Florence en 2009. Le
5 décembre de cette année-là, la ligne complète Turin-Naples est inaugurée.
Pour le transport des voyageurs, les Italiens ont d’abord opté pour des
trains pendulaires, dont les caisses s’inclinent dans les courbes pour rouler
plus vite, le relief montagneux empêchant la construction de voies rectilignes.
Ce fut l’ère du Pendolino, célèbre rame mise au point par le constructeur
Fiat ferroviaria, et apte à circuler à 250 km/h, dont l’ETR 600 constitue
la 4e génération. Parmi les trains à grande vitesse italiens dont la vitesse
s’élève à 300 km/h : l’ETR 500, le Frecciarossa 1000, et l’AGV .Italo (automotrice
à grande vitesse) fabriquée par Alstom. Trenitalia souhaite dans un
futur proche faire rouler ses trains à 350 km/h.
Entre Turin et Milan, le train file dans la plaine du Pô en partie recouverte de rizières. Cinquante minutes plus tard, premier arrêt à Milano Centrale. Inaugurée en 1931, cette gare monumentale a été remaniée et rénovée entre 2005 et 2008 pour recevoir les trains à grande vitesse. Dotée d’un style architectural éclectique, elle arbore une façade spectaculaire de 200 mètres de long. D’immenses arches en acier et verre couvrent les vingt-quatre voies. Milan, la deuxième plus grande ville du pays, fait preuve d’un dynamisme économique à toute épreuve. Capitale de la mode et du design, avec son célèbre Quadrilatero della moda, elle est aussi réputé pour son Duomo, immense cathédrale de style gothique flamboyant, la Scala, et pour les soirées romantiques au bord des navigli, canaux de la ville.
Le train franchit le Pô par un long viaduc à haubans. À Reggio d’Emilia, il traverse la gare très contemporaine de Mediopadana. Dessinée par l’architecte espagnol Santiago Calatrava, elle déploie de larges plis en acier blanc et verre sur près de 500 mètres de long. Après Bologne, réputée pour sa célèbre université, la ligne s’enfonce dans de nombreux tunnels jusqu’à Florence pour franchir les Apennins. Les deux plus longs mesurent près de 17 et 15 kilomètres chacun ! On s’arrêtera à Florence, grand foyer de la Renaissance, pour déambuler sur le Ponte Vecchio ou approcher les célèbres artistes exposés aux Offices – Michel Ange, Léonard de Vinci, Raphaël, Botticelli et tant d’autres. De Florence à Rome, entre deux longs tunnels, on se délectera des paysages sublimes de la Toscane – pays du chianti – de la brume bleutée matinale, des alignements de cyprès et des villas carrées juchées au sommet de collines rayées de vignes. Un très long viaduc de plus de 5 kilomètres enjambe le fleuve Paglia, au niveau d’Arezzo. Le train entre en gare de Roma Termini, à l’architecture étrange : deux ailes d’un kilomètre de long chacune encadrent l’édifice. C’est tout ce qui reste du projet d’origine, jugé trop monumental. À la place du portique imaginé pour la façade, fut conçu, en 1950, un long auvent cintré, surnommé familièrement « le dinosaure ». Rome, capitale de l’Italie et berceau de l’Empire romain, conserve les traces d’un passé plurimillénaire. Cité d’art, elle affiche une vie culturelle intense, et son histoire est intimement liée à celle de la papauté. La ville aux sept collines se parcourt à pied indéfiniment, en passant de l’élégante place du Capitole au Forum romain, au Colisée, à la place Saint-Pierre au coeur de la Cité du Vatican. Rome est aussi la ville du baroque et du cinéma, qui a immortalisé la fontaine de Trevi dans la Dolce Vita de Fellini. 200 kilomètres séparent la capitale de Naples, la destination finale.
Construire des infrastructures ferroviaires en Italie est une gageure. Les
paysages très accidentés sont structurés par les Apennins qui forment une
barrière au centre de la péninsule. Ce relief mouvementé ainsi que la
présence de nombreux sites archéologiques ont été les facteurs les plus
importants à prendre en compte lors de la construction de la ligne.
Le nombre de tunnels, de viaducs et de ponts construits sur cette ligne est
tout simplement prodigieux. La section la plus complexe à réaliser a été
sans conteste celle qui relie Bologne à Florence. Traversant la chaîne de
montagnes, elle a concentré toutes les difficultés de construction : 74 kilomètres
de tunnels pour 79 kilomètres de ligne ! Un véritable exploit
technique. De même, entre Florence et Rome, le relief semi-montagneux a
obligé les constructeurs à bâtir des voies longeant en partie l’autoroute A4,
et à construire cinq nouveaux tunnels.
Autres travaux d’infrastructures remarquables : les ceintures urbaines qui
ont permis d’alléger le trafic et de mieux le répartir. Elles sont empruntées
notamment par les trains les plus rapides de la ligne Turin-Naples qui ne
s’arrêtent pas dans toutes les gares. Certaines villes bénéficient également
d’une « passante », voie ferrée qui les traverse et les dessert en
souterrain.
→ Paysage vu d’un train entre Naples et Bologne.
En 1991, l’Union européenne introduit la concurrence dans les transports ferroviaires pour le fret tout d’abord, puis pour le transport international des voyageurs. L’Italie décide de devancer le processus et ouvre son réseau national à la concurrence. C’est ainsi qu’en 2006, NTV (Nuovo Trasporto Viaggiatori), dé tenue par des investisseurs privés, fait son entrée sur le marché de la grande vitesse, aux côtés du transporteur historique, Trenitalia, filiale depuis 2000 des Ferrovie dello Stato Italiane. NTV a acheté vingt-cinq rames AGV (automotrice à grande vitesse), baptisées « .Italo », à Alstom, avec qui elle a conclu un partenariat de trente ans pour la maintenance de ce matériel. Confrontée à cette concurrence soudaine, Trenitalia a réagi en commandant au consortium Bombardier et Ansaldo Breda cinquante nouvelles rames, mises en service en 2015, les Frecciarossa 1000, performantes et polyvalentes. Et l’on peut désormais voir en gare de Turin, Rome ou Milan se côtoyer deux trains pour la même destination. Les deux opérateurs ont acquis des rames aptes à rouler sur les réseaux ferrés européens, conformes aux exigences STI (spécifications techniques d’interopérabilité) de la grande vitesse. Elles sont compatibles avec les principaux systèmes d’alimentation électrique susceptibles d’être rencontrés en Europe.
Les chemins de fer italiens ont fait le choix très innovant de confier la concession des chantiers de lignes à grande vitesse à une société, TAV, Treno Alta Velocità, qui a assuré en totalité la maîtrise d’ouvrage en dirigeant les projets, coordonnant l’action des prestataires et garantissant le respect de l’environnement. Cette société s’est elle-même entourée d’un consortium de trois grands industriels,IRI, ENI et Fiat, pour la maîtrise d’oeuvre.
→ Le centre de maintenance des trains à grande vitesse de Milan.
Au pays du design, les deux trains à grande vitesse concurrents, le Frecciarossa et l’AGV .Italo ont séduit les Italiens. Le Frecciarossa 1000, « la flèche rouge », à la livrée rouge et grise, porte la griffe Bertone, designer célèbre pour ses voitures de sport – dont la légendaire Lamborghini Miura –, et référence en matière de design italien. L’AGV .Italo, en rouge chic – clin d’oeil à Ferrari – et liseré doré, a été dessiné par le designer automobile Giorgetto Giugiaro, qui a conçu une centaine de voitures pour les plus grands constructeurs mondiaux. Cosi bello che non vorresti scendere mai! « Il est si beau que vous aimeriez ne jamais en descendre », conclut une publicité pour le Frecciarossa. Très confortable, à la pointe de la technologie, ce train a obtenu une certification d’impact environnemental pour son faible niveau d’émission de CO2 et sa réduction notoire d’effets sonores et de vibrations.
Pas de première ni de seconde classe, mais quatre niveaux
de service à bord qui offrent des différences marquées dans
l’aménagement des voitures et les couleurs ! Couleur champagne
pour l’Executive, une voiture à dix places avec sièges
isolés et pivotants et salle de conférences ; couleur à dominante
bleue pour l’espace Business, qui arbore des parois de
verre isolant les groupes de quatre sièges en vis-à-vis ; couleur
rouge pour la Premium, et orange pour la Standard, la
plus économique.
Sur les motrices de l’AVG .Italo, un lièvre bondit aux côtés du
logo « .Italo ». Une marque facile à retenir et très connectée
avec son « . ». Design, confort, services à bord, les voitures à
l’intérieur gris et rouge sont très lumineuses grâce à de larges
surfaces vitrées. Ce train offre plusieurs ambiances : la classe
Smart, économique, qui propose en option une voiture
cinéma de 39 places avec écrans au plafond, la classe Prima,
formule business, et la Club (première classe) avec écrans
vidéo, vestiaires et petits salons privatifs.
→ Un Frecciarossa 1000 en gare de Milan-Centrale.
On traverse souvent Naples rapidement pour se rendre sur le merveilleux site archéologique antique de Pompéi, au sud de la ville. La capitale de la Campanie mérite pourtant qu’on s’y arrête car c’est une ville attachante, généreuse et bouillon nante de vie. Au pied du Vésuve, elle s’étale autour d’une somptueuse baie méditerranéenne fermée tout au sud par le golfe de Capri, destination de rêve. Naples se découvre en flânant dans ses ruelles tortueuses qui cachent un patrimoine artistique et architectural de plusieurs siècles, en goûtant la pizza – on la dit originaire de la ville –, en écoutant fredonner des chansons napolitaines. Deux gares accueillent les trains à grande vitesse en provenance de Turin, Milan ou Rome. Au nord, Napoli Afragola, mise en service en 2017, arbore une architecture époustouflante. Ses lignes très contemporaines, dessinées par Zaha Hadid, ondulent dans la campagne sur 400 mètres de long. La gare de Napoli Centrale est au coeur de la ville, à proximité du quartier historique.
→ La baie de Naples.
Longtemps déséquilibré en faveur du réseau autoroutier, le système ferroviaire s’est transformé avec la grande vitesse. Plus rapide, plus sûr, plus écologique, le train à grande vitesse est aujourd’hui privilégié par rapport à l’avion et la route. Il a d’ailleurs pris une belle revanche sur la voiture, tant choyée dans l’après-guerre. À tel point que les marques automobiles investissent désormais dans le train, car il roule bien plus vite. La ligne Turin-Naples, parcourue aujourd’hui en cinq heures trente, a réduit les temps de trajet entre les villes intermédiaires, Milan, Florence ou Rome, aujourd’hui à une heure ou deux l’une de l’autre. L’ouverture à la concurrence des compagnies ferroviaires a eu une incidence certaine sur le trafic.
La baisse des tarifs de 30 à 40 %, l’accroissement de la fréquence des dessertes et l’amélioration du service expliquent l’augmentation du trafic et la croissance de la mobilité. Au niveau national, la connexion des lignes à grande vitesse avec le réseau existant fluidifie le trafic, notamment autour des grandes villes, et redynamise la mobilité urbaine. Ces déplacements plus efficaces et plus rationnels, facteurs de productivité et de compétitivité, profitent à l’économie. Enfin, avec le report du trafic voyageur sur les lignes à grande vitesse, le fret est aussi gagnant. Les délais de transport des marchandises peuvent être optimisés et l’offre logistique accrue. Mieux ! Les Italiens se sont lancés en 2018 dans le fret à grande vitesse, devançant ainsi leurs partenaires européens. Avec un train de douze wagons encadrés par deux motrices à grande vitesse qui roule à 180 km/h de moyenne, Mercitalia, la filiale fret des Ferrovie dello Stato Italiane (FS Italiane), transporte autant de conteneurs qu’un Boeing 747. C’est le premier pas vers un réseau de fret à grande vitesse qui reliera plusieurs terminaux à travers l’Italie.
TOKYO > OSAKA
TURIN > NAPLES
MADRID > SÉVILLE
COLOGNE > FRANCFORT
BARCELONE > MADRID
SÉOUL > BUSAN
PÉKIN > SHANGHAI
ANKARA > ISTANBUL
LANZHOU > URUMQI
SHANGHAI > KUNMING
TOKYO > HAKODATE
ZURICH > MILAN
PÉKIN > HONG KONG
TANGER > CASABLANCA