2010 | RÉPUBLIQUE DE CORÉE
Le formidable essor économique de la Corée du Sud a fasciné le monde. En une génération, le pays est passé d’une société agricole à une nation industrielle misant sur l’innovation et la technologie. Le développement des infrastructures ferroviaires a bouleversé les relations entre Séoul et le Sud, et désengorgé les abords de la capitale, où vit un Coréen sur deux. La construction de lignes à grande vitesse a été une prouesse incontestée dans un pays occupé aux deux tiers par un relief montagneux. Sans compter l’abondance de parcs nationaux et de temples. La première ligne à grande vitesse, mise en service sur une partie du trajet Séoul-Busan en 2004, a été achevée en 2010 sur la totalité du parcours. Grâce au KTX (Korea Train Express) et depuis 2016 au SRT (Supreme Railways Train), on se déplace désormais dans tout le pays en moins de trois heures.
Les Coréens sont amoureux de leurs montagnes. Ce n’est guère surprenant car elles sont partout, pointant leur sommet même en plein centre-ville de Séoul. Gigantesque mégalopole, la capitale collectionne les gratte-ciel, tours de verre où s’accrochent des écrans géants, et les galeries commerciales luxueuses. Celles-ci offrent un contraste déroutant avec les palais royaux, rappels d’un passé glorieux, les vieilles ruelles, les marchés traditionnels et les maisons de thé. Festive et culturelle, Séoul se grise de « K-pop » – pop coréenne –, de festivals d’art populaires, de cinéma et d’opéra traditionnel. Seoul Station, gare ultramoderne édifiée en 2003, côtoie la gare originelle de 1925, transformée en centre culturel et artistique. La façade de style Renaissance en pierre de granit et briques rouges dotée d’un dôme byzantin contraste avec l’édifice monumental de verre et d’acier, dont la forme en arc symbolise le dynamisme de la capitale.
Ici les KTX, trains à grande vitesse, côtoient les ITX-Saemaeul, semi-express confortables, et les Nuriro, trains de banlieue. La gare est aussi un immense centre commercial qui comprend boutiques, supermarchés et restaurants. Ses vastes halls s’animent régulièrement de nombreux événements culturels – concerts, expositions d‘art, défilés de mode. Pour avoir une vue saisissante des deux gares, rendez-vous sur la promenade verte. Ce jardin suspendu original, planté de fleurs, de plantes et d’arbustes, a redonné vie à un vieil axe autoroutier peu fréquenté qui a été entièrement réaménagé pour les piétons.
Une nouvelle ère s’ouvre pour la Corée dans les années 1960, annonçant la
naissance d’une prospérité durable. Le pays connaît alors une croissance
économique exceptionnelle, et des infrastructures autoroutières et ferroviaires
voient le jour dans tout le pays. Vingt ans plus tard, c’est déjà
l’engorgement, tout particulièrement sur l’axe Séoul-Busan, poumon
économique du pays, qui concentre 75 % du PIB national et 70 % de la
population coréenne. Créer un nouveau système de transport devient dès
lors une priorité pour le gouvernement coréen, qui décide de se doter de la
grande vitesse en 1989. Séoul-Busan est l’axe choisi, et l’expérience et la
technologie françaises sont privilégiées pour débuter l’aventure.
Prévue à la fin des années 1990, la mise en service de la ligne est retardée
à plusieurs reprises, notamment par la crise financière que connaît l’Asie
en 1997. Un premier tronçon à grande vitesse est mis en service entre Séoul
et Daegu en 2004, tandis que les voies entre Daegu et Busan sont électrifiées
et modernisées. Puis l’ensemble de la ligne à grande vitesse est
achevé en 2010. Cette même année, le KTX coréen amorce également la
desserte du sud-ouest du pays en reliant Mokpo à la capitale. En 2016, afin
de désengorger Séoul, un nouveau terminus est créé à Suseo, au sud-est
de la capitale, connecté à la ligne Séoul-Busan par un tronçon à grande
vitesse de 61 kilomètres. Véritable défi technique, 86 % de la ligne est
construite en souterrain grâce à un tunnel de 52 kilomètres.
Le KTX traverse l’immense banlieue de la capitale tentaculaire. La province du Gyeonggi livre aux visiteurs ses temples historiques, ses forteresses et ses tombes royales. C’est la région la plus peuplée et la plus riche du pays. Premier arrêt : la gare de Gwangmyeong, qui dessert le sud de Séoul. Ses lignes harmonieuses en forme de vagues rappellent celles des maisons traditionnelles coréennes. Une immense voûte centrale abrite les quais et les galeries latérales. La ligne enchaîne les tunnels et l’on apprécie d’autant plus les vues sur les collines boisées, les vallées aménagées en terrasse, la campagne au charme bucolique et les villages traditionnels.
Le train passe par Suwon, réputée pour son impressionnante citadelle et ses fraises en été, avant d’entrer dans la province du Chungcheong, riche en sites historiques remarquables. Il fait une halte à Cheonan-Asan, gare monumentale construite entre les deux villes qui lui ont donné son nom. Le lieu est connu pour abriter l’un des plus grands musées du pays, l’Independence Hall of Korea, mémorial dédié à la résistance sud-coréenne. Arrêt à Daejeon, la « cité des sciences » implantée dans une plaine entourée de lacs et de montagnes. Au printemps, la vue sur les avenues bordées de cerisiers en fleurs est magique. Au sud, c’est le pays du ginseng, illustre racine à laquelle les Coréens vouent un véritable culte. De Daejeon, le train file vers le sud-est de la péninsule, laissant quelques parcs nationaux à l’ouest. La ligne passe par Daegu, troisième ville du pays, installée au coeur d’une riche région agricole réputée pour ses pommes. Aux portes de Daegu s’étend le parc de Palgongsan, dont les monts boisés cachent plusieurs sanctuaires. Le KTX suit la vallée creusée par le fleuve Namcheon et s’arrête à Sin Gyeongju. Véritable musée en plein air, la ville s’enorgueillit de posséder l’un des sites archéologiques les plus fabuleux au monde. Elle foisonne de tombeaux royaux, de pagodes, de forteresses et de mémoriaux, souvenirs de l’ancien royaume de Silla qui unifia la péninsule entre le Ier et le Xe siècle. Le train poursuit sa route, on aperçoit bientôt la côte est, dont on devine les plages de sable blanc. Busan, terminus. Dès la descente du train, on entend les cornes de brume annonçant le grand port de la ville du Sud.
Douze années ont été nécessaires pour construire la ligne Séoul-Busan.
Avec un obstacle de taille : l’environnement. Afin de réaliser un tracé au plus
court, il a fallu dompter un relief aux deux tiers composé de montagnes.
Et bien que dépassant rarement 1 000 mètres d’altitude, ces massifs
ont nécessité des travaux de génie civil très complexes et la construction
de nombreux tunnels – ils représentent 46 % de la ligne ! – et de viaducs
coûteux. Des technologies de dernière génération ont été mises en oeuvre
pour réduire le bruit des trains, limiter la pression des vents de travers et
des vibrations. Les ponts en béton préfabriqués ont été construits en trois
jours. La pose des voies sur dalle a été préférée à celle reposant sur un lit
de ballast.
Autre défi : les protestations des riverains contre l’implantation du tracé à
proximité de leurs habitations ou de sites naturels sensibles. Les communes
ont connu des débats animés quant au choix de l’emplacement des gares
nouvelles. Le merveilleux site archéologique de Gyeongju a exigé presque
trois ans de vives discussions afin que la ligne contourne la ville et s’arrête
dans une nouvelle gare périphérique. Les plans du tracé ont également été
modifiés après la découverte d’anciennes galeries de mines à proximité
d’un tunnel. Les travaux effectués lors de la construction de la gare de
Gwangmyeong, à vingt-deux kilomètres au sud de la gare centrale de
Séoul, ont été particulièrement difficiles à réaliser compte tenu de la forte
humidité du sol et des opérations d’assèchement nécessaires.
En décembre 2017, deux mois avant le début des épreuves des Jeux olympiques d’hiver, un nouveau train à grande vitesse est mis en place, orné du tigre blanc et de l’ours brun, mascottes des Jeux. Une nouvelle liaison ferroviaire de 251 kilomètres, entre l’aéroport international d’Incheon – au sud-ouest de Séoul – et Jinbu, permet d’accéder aux pistes de Pyeongchang, à une heure vingt de la capitale, puis de rejoindre Gangneung, sur la côte est, pour assister aux épreuves sur glace. Cette ligne est exploitée par Korail avec des Korea Train Express (KTX).
La société Korail gère les KTX, mais également le métro de Séoul, les trains de banlieue et le fret. KTX est la marque de l’exploitant historique du système de transport ferroviaire à grande vitesse de la Corée. Désormais, elle est en concurrence avec la marque d’un nouvel exploitant, Supreme Railways, filiale de Korail.
Deux modèles roulent actuellement sur le réseau à grande vitesse : le KTX et le KTXII – ou KTX-Sancheon –, qui signifie « torrent ». Le premier a la tête d’un dauphin et toute la rame est conçue pour offrir le moins de résistance possible à l’air. Sa ressemblance avec le TGV français n’est pas fortuite, puisque la Corée du Sud a choisi Alstom comme partenaire pour la conception de ses premières rames. En contrepartie, le pays a exigé que l’entreprise française transfère son savoir-faire. Ainsi, les douze premières rames ont été fabriquées en France, et trente-quatre autres ont été peu à peu délocalisées et construites en Corée par des entreprises nationales. Le KTX circule sur les lignes Séoul-Busan et Séoul-Mokpo à une vitesse de 300 km/h. Le nez du nouveau KTXII a été légèrement modifié. On compare souvent son profil aérodynamique au saumon masou.
Bénéficiant du savoirfaire d’Alstom, il a été entièrement conçu en Corée par Hyundai Rotem, une entreprise spécialisée dans le matériel roulant ferroviaire. Construit en aluminium et non en acier, il est léger et robuste. Sa résistance aux ondes de pression dans les tunnels a été améliorée, et il offre des sièges pivotants permettant aux voyageurs de choisir le sens de la marche ou non. L’espace entre les sièges a été augmenté. À l’image du système français, le KTX comme le KTX-Sancheon offrent aux passagers deux classes de service. Le service, impeccable, est effectué par des agents en uniforme bleu foncé en hiver, bleu clair en été, tailleur et foulard pour les femmes, cravate pour les hommes. La réservation se fait aisément à partir de son mobile et l’application Korail Talk, qui donne toutes les informations sur le voyage, permet de gagner du temps. Les plus prévoyants ont droit à un service de réveil. Le KTX, dont la marque a acquis la première place en termes de notoriété, est réputé pour sa ponctualité et sa sécurité.
→ Un KTX-Sancheon à Séoul.
Le nom de la ville est connu des cinéphiles du monde entier, depuis la sortie en 2016 du film sud-coréen Dernier train pour Busan, de Sang-HoYeon. Le scénario est simplement terrifiant. Des zombies, embarqués dans le KTX, y sèment la terreur, et les arrêts en gare sont l’occasion de scènes apocalyptiques. Épargnée par les zombies, Busan, terminus de la ligne, fait figure de terre promise à atteindre. Un clin d’oeil à la ville, férue de septième art, qui accueille chaque année un festival international de cinéma réputé. La deuxième plus grande ville de Corée, entourée de montagnes, est aussi le premier port du pays qui reçoit des milliers de conteneurs. Réputée pour la gentillesse de ses habitants, la ville recèle, aux côtés d’ensembles ultramodernes et d’un réseau routier labyrinthique, des quartiers de maisons basses et des ruelles intimes. Le marché aux poissons de Jagalchi propose des repas à toute heure, et les grandes plages à l’est de la ville attirent des vacanciers de tout le pays. Au sud, l’animation se concentre autour de la gare ferroviaire et de l’embarcadère des ferrys. La gare de Busan, édifiée en 1908, s’est considérablement agrandie en 2004 pour recevoir les KTX.
→ Au sud-est de Busan, ce pont de 7 kilomètres enjambe la baie de Gwangalli.
Relier les deux plus grandes villes de Corée en deux heures a désengorgé les routes asphyxiées par les voitures et les voies ferrées au trafic surchargé. En période de fête, il fallait parfois réserver une place de train un an à l’avance. La ligne à grande vitesse est à l’origine d’un nouveau style de vie pour les Coréens. Les voyages d’affaires dans la journée sont devenus ordinaires – ils représentent 40 % des déplacements sur cette ligne – et une nouvelle culture du tourisme itinérant est née. Nombreux sont les habitants de Séoul qui vont passer le week-end hors de la capitale. Ils se rendent notamment à Daejon pour randonner ou profiter des sources d’eau chaude. Étudier à Séoul restant un must pour beaucoup de familles coréennes, le KTX a facilité la venue d’étudiants qui peuvent habiter à l’extérieur de la ville à moindre coût. Le trafic est particulièrement important le vendredi soir lorsque chacun rentre chez soi.
L’arrivée de la grande vitesse a entraîné autour des nouvelles gares la construction de grands ensembles d’immeubles, capables de loger des milliers de personnes. Leur venue a stimulé l’économie locale, et la proximité avec la capitale permet aujourd’hui la tenue de sommets internationaux, de conventions et de séminaires. Les lignes à grande vitesse ont accéléré la décentralisation voulue par le gouvernement pour désengorger la région de Séoul. Les chemins de fer coréens ont donné l’exemple en déménageant leur siège de Séoul à Daejon, et de nombreuses institutions se sont également implantées en province. Desservie par la gare KTX d’Osong, la ville nouvelle de Sejong est ainsi de venue, avec le transfert de divers organismes publics, la nouvelle capitale administrative du pays.
Un nouveau service de train à grande vitesse, le Supreme Railways Train (SRT), a été mis en service en 2016. Il emprunte le tronçon à grande vitesse au départ du terminus de Suseo pour retrouver la ligne Séoul-Busan.
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