2018 | MAROC
Sa qualité de vie, son accueil chaleureux, sa richesse culturelle et ses paysages envoûtants font du Maroc une destination privilégiée. Aux yeux du monde, s’y mêlent la magie du désert, le glorieux passé des cités impériales, la lumière des villes blanches balayées par le vent de l’Atlantique et les hauts sommets enneigés de l’Atlas. L’activité économique du Maroc se concentre essentiellement à Rabat, capitale du pays, à Casablanca, et depuis une décennie à Tanger, nouveau pôle industriel et logistique du Royaume. Tanger est devenu un hub entre l’Europe et l’Afrique, et une vitrine du Maroc à l’international. Aussi, l’inauguration, en 2018, de la première ligne à grande vitesse d’Afrique reliant Casablanca et Tanger, représente un tournant dans l’histoire du Maroc et une réelle opportunité de développement pour le Royaume.
À la croisée de l’Afrique et de l’Europe, de la Méditerranée et de l’Atlantique, Tanger s’étend sur les pentes d’une vaste colline, face au détroit de Gibraltar et à l’Espagne. La ville continue de cultiver son passé cosmopolite. Nombreux sont les écrivains, les peintres et les poètes à avoir succombé à ses charmes. Joseph Kessel a d’ailleurs dédié l’un de ses livres, Au Grand Socco, à la célèbre place de la médina. Pour se replonger dans le Tanger de cette époque, on se promène dans la kasbah et son palais-musée, on flâne en surplomb de la mer, sans oublier de faire une halte au café Hafa qu’affectionnait l’écrivain Paul Bowles. Le reste de la ville est en revanche méconnaissable. En une décennie, Tanger est devenue une métropole moderne, favorisée par l’implantation d’activités économiques autour du port de Tanger Med et de sa zone franche, Tanger Free Zone.
La gare de Tanger-Ville, point de départ du train à grande vitesse, est elle-même aujourd’hui au coeur d’un quartier d’affaires dynamique. Pour accueillir la mise en service des rames, une nouvelle structure très contemporaine cohabite harmonieusement avec l’ancien édifice aux deux tours élancées construit en 2003. La surface de la gare a ainsi quadruplé. Les grandes parois vitrées offrent une continuité entre le vaste parvis piétonnier et les quais, tandis que taxis, voitures et bus circulent dans une zone bien délimitée. La toiture plane qui coiffe le hall est percée de multiples puits de lumière privilégiant un éclairage naturel. Clin d’oeil aux motifs géométriques traditionnels des zelliges et des moucharabiehs, le losange sous toutes ses formes domine. L’été, fontaines et plantes vertes apportent de la fraîcheur, tandis que panneaux photovoltaïques et ventilation assurent une régulation thermique écologique et efficace.
Depuis le début des années 2000, le réseau ferré marocain a connu un essor sans précédent sous l’impulsion du Roi Mohammed VI. Extension, modernisation, rénovation… les infrastructures ferroviaires et les gares ont été transformées. En 2006, le Maroc a pris la décision de se lancer dans la grande vitesse pour mieux relier les centres politiques, économiques et touristiques, tout en anticipant l’évolution des métropoles du pays. Tanger-Casablanca s’est imposée comme l’axe prioritaire, unissant les deux villes les plus dynamiques du Royaume. En 2007, le Maroc et la France ont signé un protocole d’accord scellant un partenariat technologique et un transfert de savoir-faire. Avec l’arrivée de la grande vitesse, une nouvelle industrie a vu le jour au Maroc, tout comme des métiers exigeant une expertise spécifique. Les rames construites par Alstom sont désormais entretenues par une société franco-marocaine dans un atelier de maintenance ultramoderne. Les deux pays se sont également associés en 2015, pour créer l’Institut de formation ferroviaire (IFF) de Rabat, qui est en passe de devenir une référence mondiale. En 2018, après dix ans de travaux, la première ligne à grande vitesse d’Afrique reliant Tanger à Casablanca a été inaugurée avec un train roulant à 320 km/h. Un saut technologique dans le monde ferroviaire du continent.
Après avoir quitté la gare de Tanger-Ville, le train à grande vitesse dénommé Al Boraq passe à proximité de l’atelier de maintenance, au pied de la colline de Moghogha, puis, prenant progressivement de la vitesse, il franchit l’autoroute Tanger-Casablanca et se faufile à travers les collines de Mharhar. La ligne longe le site classé de Tahadart, un estuaire formé par l’embouchure de l’oued Tahadart et de son affluent, l’oued El Hachef. Bordé de massifs boisés, cet estuaire, alimenté par les marées et les précipitations, accueille des centaines d’oiseaux migrateurs, dont la grande outarde, espèce rare et protégée au Maroc. Le train à grande vitesse s’élance sur le viaduc El Hachef, long de 3,5 kilomètres, qui enjambe des terres arides l’été, inondées l’hiver, et couvertes de fleurs au printemps.
Au niveau de l’oued Lahlou, on aperçoit au loin Assilah, charmante petite ville blanche entourée de remparts, posée au bord de l’Atlantique. Puis le train traverse le plateau de Khemis Sahel, à l’abri derrière des rangs de chênes-lièges et d’eucalyptus, et file au-dessus des rizières de l’oued Loukkos, par un long viaduc du même nom. Non loin s’étendent les ruines de Lixius, ancienne cité phénicienne, carthaginoise, puis romaine. La ligne passe à proximité de Larache, tranquille cité arabo-andalouse. Elle évite ensuite la réserve naturelle de Moulay Bousselham et sa magnifique lagune, Merja Zerga, isolée de l’océan par un cordon de dunes où se posent chaque année des milliers d’oiseaux, dont près de deux mille flamants roses. Plus loin, la grande plaine du Gharb est reconnaissable à ses champs de canne à sucre, de tournesols et de cultures fruitières et maraîchères. Le train à grande vitesse enjambe enfin l’oued Sebou et s’immobilise en gare de Kénitra, capitale en pleine expansion de la région du Gharb. C’est la fin du premier tronçon à grande vitesse. Le train ralentit et poursuit sa route le long de l’immense forêt de chênes-lièges de la Maâmora, remarquable espace de diversité biologique. À l’approche de Rabat, on distingue au loin la vallée du Bouregreg et sur la colline, la tour Hassan, majestueux minaret du XIIe siècle, emblème de la capitale. Après quelques tunnels, le train à grande vitesse s’arrête sous la plateforme de l’immense gare de Rabat-Agdal. Élégant, moderne, l’édifice arbore des façades très contemporaines, piquetées de motifs géométriques. À terme, les voies seront couvertes par une grande dalle-promenade arborée qui changera totalement la physionomie du quartier. Jusqu’à Casablanca, la ligne, bordée de plages propices au surf, offre de belles échappées sur l’Atlantique. Petites villes et faubourgs s’étirent jusqu’à l’arrivée en gare de Casa-Voyageurs.
La construction de la première ligne à grande vitesse entre Tanger et Casablanca a été un défi technique, industriel et humain sans précédent dans l’histoire ferroviaire du Maroc. Les travaux ont été très complexes à réaliser, du fait des terrains délicats à traiter, des terres inondables, des talus instables et des ouvrages d’art importants à édifier. Des méthodes d’ingénierie innovantes et des traitements particuliers ont été mis en place pour assécher les terrains ou renforcer la stabilité des voies. Les matériaux friables du soussol ont été remplacés par du gravier et des galets. Une structure en acier a été introduite dans les viaducs en béton pour les rendre plus légers. Parmi les douze grands viaducs de la ligne, véritables prouesses techniques, le viaduc El Hachef est le plus impressionnant par sa longueur : 3,5 kilomètres. Il repose sur des pieux de béton enfoncés dans le sol à 60 mètres de profondeur. Par ailleurs, des détecteurs spécifiques ont été installés pour prévenir les risques sismiques et climatiques, notamment les vents traversiers violents. Un nouveau poste de commande à distance, appelé aujourd’hui Commande centralisée du réseau (CCR) et basé à Rabat, surveille l’ensemble du réseau.
Entre Tanger et Kénitra, la ligne à grande vitesse a été tracée de façon à éviter autant que possible les zones classées, les exploitations, les cours d’eau et les cultures, afin de préserver les milieux naturels et les écosystèmes. Elle longe quelques zones sensibles, telles que l’estuaire de Tahadart, les marais de Loukkos, la forêt de Khmis Sahel, et frôle Merja Zerga, une lagune mondialement connue pour sa population d’oiseaux migrateurs. Sur l’ensemble du tracé, des actions ont été menées pour le reboisement et la réintroduction ou le suivi d’espèces rares.
plus de 5 000 hommes ;
800 kilomètres de rails ;
12 viaducs ;
164 ponts-routes et ponts-rails ;
117 ouvrages hydrauliques.
→ Pose de rails sur un ouvrage d’art dans la région de Tanger.
La nouvelle génération de gares, sorties de terre en même temps que la mise en exploitation du train à grande vitesse, fait la fierté du pays. Fonctionnelles, d’un design très contemporain, ces gares défient l’avenir en anticipant par leurs vastes dimensions l’essor du trafic dans les prochaines années. Véritables centres multiservices, elles transforment également le paysage urbain, lui insufflent une nouvelle dynamique et participent à sa valorisation économique et sociale. La structure des gares de Kénitra, Rabat-Agdal et Casa-Voyageurs, qui enjambent et recouvrent en partie les voies et les quais, désenclave des quartiers autrefois séparés par des voies ferrées infranchissables. Ces gares-ponts, intégrées sous une toiture unique, favorisent la mobilité de la population.
La gare de Kénitra, monument emblématique de la ville, arbore des formes simples qui affectionnent les courbes. Enveloppée d’une élégante résille blanche, elle est percée de huit arches en guise de portes, et le triangle est l’élément clé du maillage de la toiture et de la façade. La gare de Rabat-Agdal est sans doute la plus impressionnante de toute la ligne par sa taille. Inspirée de l’architecture aéroportuaire, avec ses vastes halls, ses salles d’embarquement, son food court et ses enseignes de restauration, l’édifice, à cheval sur les voies, est un espace public majeur, traversé quotidiennement par les habitants des deux quartiers implantés de chaque côté des voies.
L’Office national des chemins de fer (ONCF) assure l’exploitation du réseau ferré marocain ainsi que le transport des voyageurs et des marchandises.
→ Al Boraq, à la gare de Casa-Voyageurs.
Al Boraq évoque au Maroc le cheval ailé, le coursier fantastique
connu pour sa souplesse et sa rapidité. Son logo incarne
à la fois le mouvement, la légèreté et la vitesse. Habillé de
rouge et de vert, les couleurs nationales, Al Boraq a une identité
forte. Les rames proposent deux classes voyageurs dont
les espaces intérieurs affichent la modernité : sièges spacieux
et confortables arborant un jeu de lignes géométriques
entrecroisées d’étoiles et de facettes, écrans donnant des
informations sur le voyage… Les espaces à bord ont été revus
pour les personnes à mobilité réduite et une voiture leur est
dédiée pour faciliter leur accès à la rame. Enfin, une voiture-
bar remplace les anciens chariots ambulants.
Dans la tradition de l’hospitalité marocaine, l’ONCF a accolé à
son nom cette signature : « C’est votre train. » Le service à
quai et à bord a été revu, avec davantage d’informations
sonores et visuelles et des agents qui accueillent et accompagnent
leurs clients pour mieux les servir. Le système de
vente des billets a fait l’objet d’une refonte généralisée pour
s’adapter aux nouveaux modes de consommation : des tarifs
avantageux en fonction de l’âge, de la saison, de la date de
départ, de l’anticipation d’achat et de la fréquence des
voyages. Cette offre tarifaire impose la réservation
obligatoire.
Une flotte de douze rames duplex Alstom fait alternativement
la navette entre Tanger et Casablanca. Interopérables, elles
peuvent circuler sur la section à grande vitesse – ac tuellement
entre Tanger et Kénitra –, mais aussi sur la ligne
conventionnelle Kénitra-Casablanca. Elles ont été adaptées
à leur environnement et au contexte d’exploitation du Maroc.
« Tropicalisées », elles résistent à des températures élevées,
au sable et à la poussière. Climatisation et filtration ont été
renforcées.
L’arrivée à Casablanca s’effectue dans la toute nouvelle gare de Casa-Voyageurs. Son style contemporain côtoie avec légèreté l’ancienne gare mauresque. Trait d’union entre le centre-ville et un quartier ancien en plein développement, la gare-pont aux proportions parfaites est aussi un lieu de passage. À l’étage, une allée piétonnière traverse des jardins suspendus, bordés de cafés et d’une galerie commerciale. De chaque côté, on aborde la gare par un parvis et des gradins monumentaux. La toiture plane de l’édifice, déjà emblématique, est visible de loin. Revêtue de plaques acryliques perforées, elle repose sur une charpente abritant une centaine de projecteurs. Par un système de rétro-éclairage, ceux-ci transforment la gare, la nuit, en une gigantesque lanterne urbaine constellée de petits rectangles lumineux.
Casablanca, comme toute mégapole, ne se dévoile pas au premier regard. Reflet du Maroc moderne, pôle économique, culturel et artistique, la ville bouillonne, énergique, industrieuse. Accolé aux remparts de l’ancienne médina, premier noyau de la cité, le centre-ville de Casablanca a été un lieu d’expérimentation pour les architectes européens d’avant-garde au début du XXe siècle. Parmi les buildings de verre, se cachent des constructions Art déco privilégiant des formes sobres et des lignes droites, tout en adaptant les caractéristiques de l’habitat traditionnel marocain. On oubliera un instant la frénésie urbaine en s’échappant vers la Corniche qui borde l’Atlantique. Sur un éperon artificiel gagné sur la mer, Hassan II – père du roi actuel Mohammed VI – a fait bâtir l’immense mosquée qui porte son nom et dont le minaret domine la ville. Le soin apporté à ce chef-d’oeuvre royal se lit dans le luxe des matériaux utilisés, puisant dans l’ensemble du répertoire des arts décoratifs marocains.
La mise en service de la première ligne à grande vitesse entre Tanger et
Casablanca est une réponse aux défis sociaux, économiques et
démographiques du pays. Elle rapproche le Nord et le Centre, désenclave les
territoires et contribue au développement des trois grandes régions qu’elle
traverse. Des trains plus rapides, en plus grand nombre, des connexions plus
fréquentes permettent de multiplier les échanges et les opportunités
d’affaires. Le raccourcissement des temps de trajet entraîne une plus grande
mobilité dans le travail et favorise les possibilités d’emplois.
La croissance économique, l’urbanisme et l’image du territoire vont bénéficier
largement de cette nouvelle ligne. En détournant les passagers de la voie
conventionnelle, les trains à grande vitesse permettent de libérer des passages
pour le fret, devenu très important avec le développement des plateformes
portuaires et logistiques de Casablanca et de Tanger Med.
Cette nouvelle ligne valorise également la proximité géographique du
Royaume avec l’Europe, et facilite les relations commerciales et touristiques
entre les deux continents. En décongestionnant le trafic automobile, elle a
des retombées notables sur la qualité de l’air et la diminution des émissions
de gaz à effet de serre. Tous les secteurs vont, à terme, profiter de cette
politique de développement des infrastructures ferroviaires, solution d’avenir
pour la mobilité des personnes, des marchandises, et levier pour le développement
économique, la compétitivité et l’emploi.
La mise en place d’une ligne à grande vitesse sur l’axe nord-sud a été le déclencheur d’un vaste programme de modernisation pour l’ensemble du réseau. Des travaux d’envergure ont été réalisés : triplement des voies entre Kénitra et Casablanca, réhabilitation du tunnel ferroviaire reliant Salé à Rabat, remaniement des installations ferroviaires au niveau de Casablanca, doublement complet de la ligne entre Casablanca et Marrakech, modernisation des installations de signalisation sur tout le réseau et construction de gares ferroviaires high-tech. La ligne Tanger- Casablanca est la première étape d’un plan très ambitieux. Le Maroc a en effet prévu de réaliser, à l’horizon 2040, 1 500 kilomètres de lignes à grande vitesse, dont une voie « Atlantique », de Tanger à Agadir, et une voie ouest-est, Rabat-Fès-Oujda.
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