2007 | ROYAUME-UNI, FRANCE, BELGIQUE
Berceau des pionniers du rail depuis le début du XIXe siècle, la Grande-Bretagne est aujourd’hui reliée au continent européen grâce au chemin de fer. Le tunnel sous la Manche, grand défi du XXe siècle, a non seulement bouleversé le développement régional des deux côtés de la Manche, mais a aussi formé un maillon essentiel du réseau ferroviaire européen. Amorçant un tournant décisif pour la Grande-Bretagne, ce tunnel a ouvert la voie de la grande vitesse sur l’île. La première ligne finalisée entre 2003 et 2007, a raccourci les temps de parcours vers la France, la Belgique et les Pays-Bas. Le réseau national à grande vitesse poursuit, depuis, sa lancée avec le projet géant baptisé « High-Speed 2 », qui reliera les grandes villes du nord-ouest de l’Angleterre à sa capitale.
destination du continent. Avec lui, Londres, cité cosmopolite par excellence, pleine de contrastes, de traditions autant que d’excentricité, n’est plus qu’à deux heures quinze de Paris et deux heures de Bruxelles. À quelques encablures du British Museum aux allures de temple grec, et jouxtant l’admirable British Library, s’élève la gare de Saint-Pancras, dite St Pancras International. Succédant à la première gare de départ des Eurostar, Londres-Waterloo, elle connaît une seconde vie avec la construction de la ligne à grande vitesse. Le bouillonnant quartier qui l’entoure, agrémenté de places spacieuses, de rues piétonnes et de parcs arborés, est aujourd’hui très prisé, notamment des cadres londoniens. Fier édifice de l’époque victorienne, St Pancras International, tout vêtu de briques, a des allures de palais néo-gothique.
Sauvée de la démolition en 1960, la gare a été rénovée au début des années 2000 et rouverte en 2007. Sous la splendide verrière du hall Barlow, la longueur et le nombre de quais ont été doublés pour accueillir les rames Eurostar longues de 400 mètres. Sur deux niveaux, galerie marchande, restaurants et cafés attirent les voyageurs du monde entier. Avec sa voisine, King’s Cross Station, St Pancras International est au centre d’un noeud de correspondances pour la capitale.
Il a fait rêver les ingénieurs des deux côtés de la Manche pendant deux
cents ans. Rouler, marcher, galoper sous la mer, tout semblait possible…
sur le papier. Des dizaines d’études de liens fixes entre la France et l’Angleterre
ont ainsi vu le jour sans résultat.
En 1802, l’ingénieur français Albert Mathieu imagine déjà un tunnel pavé, à
deux galeries superposées, avec une île artificielle au milieu pour que les
chevaux attelés aux calèches se reposent. Un an plus tard, l’Anglais Henry
Mottray étudie à son tour un tunnel sous-marin à sections métalliques. À
partir de 1830, l’idée d’un tunnel ferroviaire fait son chemin. Et lorsqu’en
1867, Thomé de Gamond présente son projet de tunnel foré à l’Exposition
universelle de Paris, Napoléon III et la reine Victoria s’enthousiasment.
Treize ans plus tard commencent les premières tentatives de creusement
des deux côtés de la Manche. Un travail rapidement stoppé par la
Grande-Bretagne qui n’est pas prête à quitter son statut insulaire, et par la
France, pour des raisons de défense militaire.
En 1955, « pont ou tunnel ? » s’interrogent à nouveau les deux gouvernements.
Ce sera un tunnel. Mais les forages de 1975 sont interrompus pour
raisons économiques. Onze ans plus tard, enfin, le rêve se concrétise.
Durant un conseil franco-britannique, Margaret Thatcher, Premier ministre
du Royaume-Uni et François Mitterrand, président de la République française,
évoquent ensemble ce projet. La première dit avoir toujours rêvé de
rouler en voiture sur un pont privé jusqu’en France, le second, d’entrer en
Angleterre en train. Le tunnel ferroviaire va l’emporter. Mais Margaret Thatcher
impose une condition à ce projet : il doit être entièrement financé par des
fonds privés. Le traité de Canterbury du 12 février 1986 entérine l’accord
franco-anglais. La société Eurotunnel remporte l’appel d’offres, proposant
un double tunnel ferroviaire. Le 6 mai 1994, le tunnel est inauguré. Six mois
plus tard, le premier Eurostar est mis en service.
Prouesse technologique, ce tunnel au système ferroviaire très sophistiqué demeure l’un des plus beaux exemples d’ingénierie et de défis humains. Il a occupé près de 12 000 hommes durant six ans de chantier. Entre Folkestone (Kent) et Coquelles (Pas-de-Calais), trois tunnels distincts, de 50 kilomètres chacun, ont été creusés, dont 38 kilomètres sous la mer. Les deux voies ferrées sont raccordées à une voie de service carrossable permettant l’évacuation des passagers. Le tracé sous-marin a été judicieusement choisi par les géologues dans la couche de craie bleue, résistante et imperméable.
Les travaux ont commencé en 1988 de chaque côté de la Manche, à l’aide de tunneliers géants de 200 mètres de long, construits sur mesure et montés dans le tunnel. À 40 mètres sous la surface de la mer, ils ont broyé la craie des mois durant, à raison d’environ 16 mètres par jour. D’énormes voussoirs – plaques de béton légèrement incurvées – ont enveloppé au fur et à mesure la circonférence intérieure du tunnel, constituant une véritable armure. La difficulté principale, impossible à évaluer parfaitement avant, était de réaliser la jonction entre les deux parties forées de part et d’autre de la Manche avec une marge d’erreur autorisée de 2,5 mètres ! Pari réussi. Le 1er décembre 1990, médias et politiques ont fêté la rencontre historique des équipes britanniques et françaises. Après cette prouesse de génie civil, l’opération la plus complexe fut d’installer un système ferroviaire compte tenu de l’atmosphère humide du tunnel, qui rendait difficile l’isolation électrique des circuits de voie. Ajoutées à cela, les exigences en matière de sécurité de la commission intergouvernementale franco-britannique, avec de nouvelles demandes au fur et à mesure de l’avancement du chantier, ont obligé les ingénieurs à s’adapter sans cesse, au prix de surcoûts considérables. Aujourd’hui, le tunnel est un succès. Rapidité, confort, sécurité : les liaisons sont plébiscitées par les deux pays. La grande innovation d’Eurotunnel, société gestionnaire du tunnel, a été la création de navettes au départ des terminaux français et anglais, les unes transportant des voitures et des cars, les autres, des camions. Eurotunnel est aussi devenue une entreprise ferroviaire de fret et achemine des wagons de marchandises entre Lille et l’Angleterre.
Eurostar International, filiale commune de la SNCF (Société nationale des chemins de fer français), de L&CR (compagnie anglaise London and Continental Railways) et de la SNCB (compagnie ferroviaire belge), s’est transformée en entreprise ferroviaire indépendante. La SNCF a conservé 55 % du capital, la SNCB, 5 %, et le reste de l’actionnariat est représenté par un consortium constitué de la Caisse de dépôt et placement du Québec et le fonds britannique Hermes.
L’Eurostar emprunte la ligne jusqu’au tunnel à la vitesse maximale de 300 km/h. Décidée en 1996, deux ans après la mise en service du tunnel sous la Manche, la construction de cette première ligne a été un réel challenge. Une première section a vu le jour en 2003, entre Folkestone (sortie du tunnel) et Fawkham Junction, via la gare d’Ashford ; la deuxième section, rejoignant Londres et St Pancras International, a été inaugurée en 2007. La prouesse concerne surtout les 22 kilomètres de tunnels qui passent en partie sous l’agglomération londonienne et le viaduc de franchissement de la Medway. Des infrastructures délicates et coûteuses. Si l’enjeu majeur de cette ligne est de transporter plus rapidement des voyageurs entre les capitales européennes, la Grande-Bretagne en a profité pour accueillir sur la nouvelle ligne des services régionaux à grande vitesse – 220 km/h – dans le Kent, ainsi que des trains de fret circulant de nuit en provenance et à destination du tunnel sous la Manche.
→ Vue d’ensemble du nord de la ville de Maidstone dans le Kent.
Guère plus de deux heures de trajet entre Londres et Paris et un dépaysement assuré ! Après avoir
quitté St Pancras International, l’Eurostar traverse la banlieue londonienne et la Tamise en partie sous
terre, avant de filer au coeur des verts paysages du Kent, de ses ravissants cottages, de ses châteaux
forts, de ses jolis jardins. Charme et douceur de la campagne anglaise. L’Eurostar traverse la gare de
Stratford International, à l’arrière de laquelle se trouve le centre de maintenance des rames Eurostar,
puis celles d’Ebbsfleet International et d’Ashford International. Bien connectée avec l’ensemble du
réseau ferré national, celle-ci a réhabilité son centre-ville et développé de nouvelles activités.
Une sonnerie retentit. Trente-cinq minutes après avoir quitté Londres, le train s’engouffre dans le
tunnel sous la Manche. L’appréhension est de courte durée. On s’émerveille du génie bâtisseur des
ingénieurs, héros anonymes de cet exploit technologique. À peine vingt minutes plus tard, le train
arrive en France.
La gare de Calais-Fréthun offre une desserte aux villes côtières le long de la Manche. Quelques terrils et
corons, derniers témoignages de l’histoire minière de la région, des petits villages de brique… le train
traverse les grandes plaines cultivées de Picardie, coiffées de cieux mouvants et lumineux. Compiègne,
Chantilly, des noms royaux, des forêts somptueuses… et très vite, la banlieue parisienne. La basilique
du Sacré-Coeur nous salue depuis la colline de Montmartre et le train entre en gare du Nord.
→ Voyageurs à la gare de St Pancras International à Londres.
Constituer un vaste réseau européen était l’un des objectifs prioritaires des Britanniques et des Français pour la réalisation des deux lignes à grande vitesse, raccordées entre elles par le tunnel sous la Manche. Côté français, l’Eurostar emprunte la LGV Nord, qui relie Lille à Paris et Lille à Bruxelles, puis Rotterdam et Amsterdam (Pays-Bas). Lille-Europe est le hub central de cette ligne, habilitée à offrir des services de douane entre Paris, Londres et Bruxelles. En avril 2018, le premier Eurostar a quitté St Pancras International pour Amsterdam. À l’avenir, d’autres parcours internationaux sont envisagés, tels que Londres-Genève ou Londres-Francfort.
Grâce à la restructuration du réseau ferré grande vitesse à l’est de la région parisienne, l’Eurostar peut proposer plusieurs destinations en France : Disneyland Paris, accessible par la gare de Marne-la-Vallée-Chessy ; Lyon ; les Alpes en hiver – avec Eurostar ski train ; la Provence en été, via Avignon et Marseille. Une offre Londres-Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, pourrait être mise en service en 2020.
→ Un Eurostar e320 à la gare du Nord à Paris.
Les premières rames Eurostar, nées en 1994, affichaient des
formes carrées et étroites qui correspondaient au gabarit
anglais des voies classiques aboutissant à Waterloo. La nouvelle
génération des rames Siemens est quant à elle toute en
rondeur et plus spacieuse, car le gabarit du train a été élargi
maintenant qu’il ne roule plus sur l’ancien réseau britannique.
Ses couleurs, jaune, bleue, grise, dégagent un parfum
d’élégance britannique. Avec l’ouverture des nouvelles lignes
européennes vers les Pays-Bas, le matériel a adopté les
normes internationales. Les nouvelles rames peuvent contenir
davantage de voyageurs : 900 places assises contre 750 pour
les précédentes, et 16 voitures longues au lieu de 8 courtes.
Pour sa décoration intérieure, Eurostar s’est entouré de
designers célèbres. Après Philippe Starck en 2003, c’est le
designer automobile italien Sergio Pininfarina, à l’origine des
Ferrari et des Maserati, qui a repensé son aménagement.
Couleurs bleue et grise en seconde classe, tons brun et
beige en première classe, les voitures arborent un style
sobre et élégant. Sièges inclinables, prises de courant,
écrans d’information dans chaque voiture et bar chaleureux
complètent l’offre. Au départ et à l’arrivée, les agents de la
compagnie, en uniforme seyant aux couleurs d’Eurostar,
accueillent les voyageurs à l’embarquement. Le logo du
transporteur, jaune, bleu et gris à l’origine, a été modernisé
en 2010. Le « e » d’Eurostar et d’Europe a pris toute la place.
Gris argenté, il s’achève comme une vague au-dessus de la
marque Eurostar.
Eurostar communique sur le voyage et la découverte hors
des frontières et met en avant son service à bord. Dans les
gares de Paris, Londres et Bruxelles, la compagnie offre à ses
passagers en classe Business Premier des salons très
chics, de quoi attendre sereinement son train, assis sur un
canapé en velours ou en cuir, dans une ambiance feutrée
propice au travail ou à la détente.
Les deux plus grandes destinations d’Eurostar sont Paris et Bruxelles. Pour atteindre le centre de la capitale française, le train en provenance de Londres entre en gare du Nord, la plus grande gare d’Europe en termes de trafic – 700 000 voyageurs par jour. Marquée depuis longtemps par une vocation internationale, elle accueille aussi le Thalys en provenance de Belgique et des Pays-Bas, les TGV de la ligne Nord Europe et une partie du réseau de la banlieue parisienne. Dans les années 1990, les voies ont été réorganisées et les quais allongés à 405 mètres. Pour pallier l’encombrement de la gare à certaines heures, les flux de voyageurs, les espaces de vente et d’informations ont été revus et réaménagés en 2018
Cette gare fait l’objet d’un gigantesque programme de rénovation et d’extension qui doit s’achever avant les Jeux olympiques de 2024. Les départs et les arrivées seront séparés par des niveaux différents comme dans les aéroports. L’Eurostar arrive en gare de Bruxelles-Midi par la ligne à grande vitesse belge LGV1. Beaucoup d’Anglais font la navette jusqu’au très animé quartier européen de Bruxelles. Les visiteurs seront immédiatement attirés par la Grand-place et ses maisons à la richesse ornementale unique. Bruxelles-Midi est parfaitement connectée au réseau de transport belge – trains, métros, tramways. Depuis 1994, une partie de la gare est réservée à l’accueil de l’Eurostar en provenance de Londres et des trains à grande vitesse entre Paris, Amsterdam et Cologne. C’est dans ces années-là que le quartier autour de la gare a été profondément transformé.
Dans les relations internationales, entre Londres, Paris et Bruxelles, la clientèle d’Eurostar vient majoritairement de Grande-Bretagne. Ce train à grande vitesse qui franchit les frontières a bouleversé le paysage des transports en conquérant une large part de la clientèle aérienne, ainsi que celle des ferrys entre Calais et l’Angleterre. Elle a aussi révolutionné le monde des affaires et de la finance entre Londres et Paris. 40 % des voyageurs font le trajet pour affaires. Des centaines de Français débarquent chaque jour de l’Eurostar, et beaucoup d’entre eux se sont installés dans la City pour travailler, étudier ou monter une start-up. Quant à l’ouverture des lignes à destination de Disneyland Paris, des Alpes l’hiver ou de la Provence en été, elles ont conquis de nombreux Britanniques. Eurostar dynamise le tourisme et de nombreuses agences de voyages proposent à des non-Européens des étapes d’une journée à Paris, Londres ou Bruxelles en Eurostar. Dans le sud de l’Angleterre comme dans le nord de la France, la grande vitesse a eu un réel impact sur le déplacement des populations et le réaménagement du territoire. Beaucoup de Londoniens habitent aujourd’hui dans le Kent, bénéficiant d’une qualité de vie à la campagne et de prix immobiliers moins élevés qu’à la capitale, tout en travaillant à Londres, très facile d’accès grâce aux nouvelles gares internationales. Même chose côté français, où l’arrivée de la grande vitesse a transformé Lille en un bassin de main-d’oeuvre. Car au-delà de Lille, vers le nord, le TGV assure une fonction de train régional.
La Grande-Bretagne a entrepris la construction d’une seconde ligne qui reliera Londres à Birmingham (HS2), au centre de l’Angleterre, en quaranteneuf minutes au lieu d’une heure vingt et une, grâce à une vitesse commerciale de 360 km/h. Sa mise en service est prévue en 2026. L’étape suivante prévoit le prolongement de cette ligne en deux tronçons depuis Birmingham : l’un vers le nord-ouest et Manchester, l’autre vers l’est jusqu’à Leeds. Ces futures lignes vont considérablement transformer les pôles économiques de la Grande-Bretagne, car elles vont les rapprocher de la capitale. Elles sont très attendues pour réduire le trafic autoroutier anglais saturé. La Belgique a de son côté achevé la construction de son réseau à grande vitesse. Mais d’importants aménagements ferroviaires ont été entrepris pour le relier à l’aéroport de Zaventem, au nord-est de Bruxelles.
TOKYO > OSAKA
TURIN > NAPLES
MADRID > SÉVILLE
COLOGNE > FRANCFORT
BARCELONE > MADRID
SÉOUL > BUSAN
PÉKIN > SHANGHAI
ANKARA > ISTANBUL
LANZHOU > URUMQI
SHANGHAI > KUNMING
TOKYO > HAKODATE
ZURICH > MILAN
PÉKIN > HONG KONG
TANGER > CASABLANCA